LE SILENCE, CE GARDE DU CORPS INVISIBLE DE MOBUTU
- Fungula Marguerite
- 6 févr.
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 11 mars
On dit souvent qu’un grand pouvoir entraîne de grandes responsabilités. Mais ce que l’on oublie de dire, c’est que ce pouvoir immense engendre aussi des craintes insoupçonnées, des frayeurs enfouies que seul le silence du palais peut révéler. Bienvenue dans la première histoire de ma série de mythes sur le Congo. Des récits chuchotés, transmis de bouche à oreille, jamais inscrits dans les livres officiels, mais gravés dans les mémoires. Cette histoire, je la tiens de ma grand-mère, qui la tient de son père, un homme qui a côtoyé les couloirs feutrés de la présidence sous Mobutu Sese Seko…
Mobutu. Un nom qui, encore aujourd’hui, résonne dans l’histoire du Congo. Né Joseph-Désiré Mobutu, il s’empara du pouvoir en 1965 et gouverna le Zaïre d’une main de fer pendant plus de trois décennies. Dictateur pour certains, bâtisseur pour d’autres, il façonna son règne entre culte de la personnalité et politique de la peur. Il fut renversé en 1997, chassé par la rébellion de Laurent-Désiré Kabila, et s’éteignit, loin de sa terre natale, en exil au Maroc.
Mais derrière l’homme en uniforme léopard, derrière les discours enflammés et la toute-puissance apparente, il y avait des failles, des craintes, des ombres qui dansaient dans la nuit. Car Mobutu, aussi invincible qu’il paraissait, n’échappait pas à une peur bien singulière : non pas celle de perdre son pouvoir, mais celle de mal le gérer. Car il en était conscient, lorsqu’on atteint un certain niveau de pouvoir, on ne peut plaire à tout le monde. Chaque décision crée des opposants, chaque mouvement façonne des alliances, mais aussi des trahisons. Ce n’était pas la perte de son trône qui le hantait, mais la possibilité qu’un faux pas, une erreur de jugement, ouvre une brèche dans son empire et permette à ses ennemis d’y pénétrer.
C’est là qu’intervient une anecdote, discrète mais révélatrice. Mobutu était un homme d’une extrême sensibilité au bruit. Dans sa demeure, nul n’était autorisé à porter des chaussures à talons qui claquaient sur le marbre. Ce son, ce simple écho de pas résonnant sur le sol, lui rappelait un autre bruit, plus sinistre : celui des balles frappant les corps, celui des armes crachant la fin des empires. Cette crainte, infime mais persistante, traduisait une vérité universelle : même les géants ont des frissons dans l’obscurité.
Des récits comme celui-ci, il en existe mille, enfouis dans les mémoires, transmis à voix basse autour des feux de famille, portés par ceux qui ont vécu l’Histoire sans jamais en écrire les pages officielles. Chronique Congo est un appel à ces voix oubliées, un voyage à travers les récits cachés qui, sans être gravés dans la pierre, façonnent notre mémoire collective.
Alors, écrivons notre histoire, pas seulement celle des manuels, mais celle qui vit encore dans les murmures du passé.
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